Homoparentalité en France avec Eric Garnier

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Homoparentalité en France. Suite à notre précédente interview d’un papa gay qui a eu ses enfants par GPA, nous avons interviewé Eric Garnier, président d’honneur de l’APGL. Il est l’heureux père d’une fille, désormais trentenaire. Cette paternité a changé sa vie et l’a rempli d’amour. Voici son témoignage sur l’homoparentalité.

Bonjour, pouvez-vous vous présenter ?

Eric Garnier. Militant un peu historique de l’homoparentalité qui est une une branche de l’homosexualité en général.

Pouvez-nous vous parler un peu de l’APGL ?

L’APGL (Association des parents et futurs parents gays et lesbiens) a été fondée en 1986 dans un désert associatif total. En effet, à l’époque en France, cette question des homosexuels élevant des enfants était totalement impensable.

Un jeune enseignant qui revenait de San Francisco avait vu que là bas, il y avait déjà des parents gays. Comme beaucoup de mouvements qui naissent aux USA et arrivent ensuite dans l’Union Européenne. Donc il a voulu implanter, créer une association qui au début n’avait que quelques militants et en compte plus de 2000 aujourd’hui. Ce qui est pour une association LBGT est assez important.

Comment vous est venu l’envie d’avoir des enfants ?

Cette envie d’avoir des enfants ne m’est pas venue, elle était la. Ça ne m’est pas venu comme ça. J’ai toujours aimé les enfants quand j’étais enfant moi même. A 10 ans j’adorais les bébés. Je ne me suis jamais dit que je ne serais pas père parce que j’étais gay. Pour suivre c’était évident que j’aimais les enfants. Ainsi, je ne voyais pas en quoi l’homosexualité pourrait me l’interdire.

Pouvez-vous nous raconter comment vous avez fait pour avoir des enfants ?

J’ai choisi d’avoir un enfant qui aurait un père et une mère. C’était il y a un peu plus de 30 ans, on défrichait. Ainsi, on ne connaissait pas la GPA (Gestation pour Autrui) pour les couples d’hommes. Ensuite nous ignorions tout de la PMA (Procréation médicalement assisté) pour les couples de femmes. Et aussi pour les couples hétéros. Car il faut le préciser, tous les visages de l’homoparentalité, sauf un, existent déjà dans un cadre hétérosexuel. Donc nous avons milité pour que tout ce qui était accessible aux hétéros le soit aussi aux homos.

Étiez vous en couple ou avez vous eu des enfants seul ?

J’étais seul mais je n’avais pas le désir absolument d’être en couple avec un autre homme pour avoir un enfant. C’était un désir tellement fort que je n’avais pas besoin d’être soutenu par un compagnon. Par contre je ne voulais pas être seul dans l’éducation, la vie au quotidien, si nous avions un enfant. Ainsi, j’ai souhaité rencontrer une femme lesbienne qui avait le même désir que moi.

Puis je souhaitais pour des raisons personnelles que cet enfant ait un père et une mère. Mais ça n’est pas un crédo absolu. Ce n’est pas la seule façon qu’ont les homosexuels d’avoir des enfants bien au contraire.

Finalement, cela me correspondait, correspondait à mon vécu, n’ayant pas eu de mère moi même, je pensais que ce serait une chance pour cet enfant d’en avoir une.

Quelles difficultés avez-vous rencontré pour avoir des enfants ?

La difficulté est de rencontrer une femme qui a un désir d’avoir un enfant avec un père. En effet les femmes ont toujours pu avoir des enfants sans qu’il y ai un père présent au quotidien. On peut avoir une aventure d’un soir et tomber enceinte.

La, il s’agissait de quelque chose de durable. Donc rencontrer cette femme. Puis se lancer dans cette aventure en s’assurant que nous serions sur la même longueur d’onde. D’abord sur l’éducation, ensuite sur la façon dont je serais présent. En effet, la femme étant celle qui porte l’enfant et qui accouche, elle a une certaine priorité en ce qui concerne l’organisation de la vie. Ainsi, cela tourne plus autour d’elle que du père, qui n’a pas fait grand chose.

Donc première difficulté, qui s’est résolue. Nous nous sommes très bien entendus depuis 30 ans, il n’y a pas eu de souci majeurs. Mais parfois il y en a comme chez les hétéros, comme chez tous les êtres humains.

Ensuite seconde difficulté, nous n’avions pas envie de coucher ensemble. Donc il fallait trouver un moyen pour que le spermatozoïde et l’ovocyte se rencontre. Mais nous avons été aidé par une gynécologue qui nous a montré comment organiser une insémination artisanale.

Nous le faisions nous même car à l’époque, les gynécologues n’avaient pas le droit, selon la loi, de « manipuler du sperme frais ». Finalement c’était très simple. Une femme peut très bien tomber enceinte avec le sperme d’un autre homme sans qu’il y ai copulation.

Quelle solution avez-vous choisi ? Combien ça coûte ?

Nous avons choisi l’homoparentalité et l’insémination artisanale. Cette méthode ne coûte rien. Nous sommes allés trois fois chez cette gynécologue. Puis nous nous sommes débrouillés tout seul.

Contrairement à la PMA qui coûte un peu d’argent, l’adoption, beaucoup plus et la GPA énormément. Donc ce que nous avons choisi c’est l’homoparentalité, un terme que nous avons crée à l’APGL et qui depuis s’est répandu et figure dans le dictionnaire.

A l’époque, la PMA, la GPA ou l’adoption était impossible. En effet, il fallait être célibataire ou marié en couple hétéro pour éventuellement adopter. Donc nous avons choisi la coparentalité : un enfant conçu et élevé dans un couple ou il y a un homosexuel et peut-être son compagnon et une maman lesbienne et peut-être sa compagne. C’est l’une des choses que les gays ont crée en France.

Comment avez vous crée la coparentalité à l’APGL ?

Ainsi un enfant peut avoir dans sa vie 4 parents. D’abord ses parents biologiques. Puis via les mariages, remariages, ses beaux parents. Donc cet enfant va avoir au cours de sa vie 4 parents et beaux parents.

Ce que nous avons crée, c’est un enfant avec 4 parents dès sa naissance. Toutefois ceci suppose des discussions en amont pour éviter des tiraillements une fois l’enfant né.

A l’APGL nous avons beaucoup réfléchi à cette situation totalement inédite en France pour mieux organiser le dialogue et les décisions que les 4 personnes s’engagent à prendre pour se respecter les unes les autres.

Ainsi le compagnon du père biologique et la compagne de la mère biologique ne vont pas souhaiter s’investir autant. Il y a toute une série de nuances. C’est un engagement moral.

Nous avons eu au début des cas de coparentalité qui se sont très mal passés. Donc nous avons réfléchi pendant deux ans à tous les cas de figures, les choses importantes que les 4 contractants devaient se mettre d’accord avant la conception de l’enfant.

Nous l’avons appelé la charte parentale, c’est un engagement moral qui peut être déposé chez le notaire.

Comment organisiez-vous votre homoparentalité pour élever vos pitchounes ?

Nous avons eu une fille, c’était déjà bien ! Elle a aujourd’hui 30 ans et est hétérosexuel. On nous a beaucoup dit pour nous interdire la parentalité, qu’évidemment des homosexuels allaient donner naissance à des enfants qui seraient homosexuels.

Nous nous sommes arrangés. Il y avait de part et d’autre de la bonne volonté. Nous n’avons rien signé. Mais la mère m’a fait toute ma place. Avec le temps j’étais plus souvent la que ce qui était prévu en théorie. Je peux dire que je n’ai jamais été frustré. J’étais tellement heureux que notre fille ait une mère.

Car en voyant cette mère, certes lesbienne, certes un peu masculine donc à priori qui ne correspond pas aux clichés de la mère classique, j’ai vu ce que cela pouvait être merveilleux une mère. Et je n’en ai pas été frustré rétroactivement, n’ayant pas eu de mère moi même mais j’ai été enchanté de voir comment ça se passait. Même si j’étais un peu moins présent que la mère c’est évident, je n’en prenais aucun ombrage.

Quel a été l’impact des enfants sur votre vie ? De l’homoparentalité sur votre vie de couple ?

Je n’ai jamais eu de vie de couple. En effet j’avais un couple parental avec la maman. Donc pour mon couple personnel, je n’ai jamais souhaité vivre en couple. J’ai eu des aventures mais à partir du moment ou j’ai été père à 40 ans, tout s’est déplacé vers cet enfant. J’avais vécu déjà pendant 40 ans, c’était le début d’une nouvelle vie.

J’étais un jeune papa, même si je n’étais pas jeune. J’étais rempli de cet enfant et je ne ressentais pas le besoin de construire un couple parallèlement à mon couple parental. Ça a eu un impact. J’ai bien compris à côté de quoi je serais passé si je n’avais pas eu d’enfant.

Il y a la théorie, un enfant ça doit être merveilleux. Ou bien c’est pas terrible et parfois on en a malgré soit. Et puis on en rêvait et parfois on est déçu.

En tout cas je ne pensais pas que c’était si bien que cela : j’ai donc vécu sur un petit nuage depuis 30 ans.

Avez-vous rencontré des difficultés particulières avec l’administration pour votre homoparentalité ?

Aucune. Je suis allé déclarer la naissance à la mairie. Ce que nous faisions n’était pas illégal. Certes nous n’étions pas mariés sa mère et moi. Toutefois nous l’avions conçu d’une façon classique. L’état ne met pas encore son nez dans le mode de conception des enfants. Il aurait pu rayer des cadres la gynécologue qui nous a aidé.

J’aurais aussi pu essayer d’adopter mais c’était tellement compliqué. Un couple d’hommes, par exemple si j’avais été en couple avec un homme, c’était totalement illégal. On aurait pas pu le faire, c’était interdit. En synthèse, tout s’est bien passé.

Quelles sont les difficultés principales auxquelles vous avez été confronté en élevant votre fille ?

Il s’est posé la question de l’école. Ainsi l’enfant n’est pas responsable des parents qui l’ont conçu. Pour notre fille il y avait la vie sociale. Elle pouvait dire qu’elle avait un papa et une maman. En plus à une époque ou les couples traditionnels divorçaient beaucoup. Donc le fait que son père et sa mère ne vivaient pas ensemble était normal.

Quand il y a eu des copains et des copines, à un moment, il ne s’agissait pas que nous apprenions à mentir à notre petite fille. Donc avec la grande intelligence psychologique de sa mère elle a évolué avec diplomatie. C’est étonnant la capacité des enfants à faire leur chemin dans un monde dont ils voient qu’il n’est à priori pas tout à fait comme le monde autour d’eux.

Elle ne connaissait pas d’enfant dans sa situation. Donc elle devait avoir des antennes et sentir à qui elle pouvait faire confiance et faire comprendre que son père et sa mère n’étaient pas des amoureux. En outre à l’époque, la maman vivait en couple depuis 19 ans avec sa compagne.

Donc elle a dû marcher sur des œufs mais ça ne l’a jamais empêché d’avoir un solide réseau d’ami.e.s et d’évoluer sans problème psychologique.

Quelles sont vos plus belles réussites avec votre fille durant votre homoparentalité ?

Le fait de se rendre compte que contrairement à ce que nous prévoyaient pour elle un certain de psychanalystes, de psychologues, de religieux, de politiques de l’époque il n’y a pas eu de problèmes.

Car il ne faut pas oublier que quand on a commencé à parler d’adoption par des gays ou même du PACS, une armada de gens en tout genre nous ont dressé un portrait absolument affreux et cauchemardesque du mal que nous allions faire aux enfants que nous aurions.

Ma fille n’a pas eu du tout de problème psychologique. Quand elle posait des questions, nous lui répondions. Nous avons la chance qu’elle ait une nature positive. Elle était très aimée donc je pense que ça l’a beaucoup construite.

Puis à 13 ans elle a essayé d’avoir une petite aventure avec un garçon. Elle voulait savoir si elle aimait les garçons. Contrairement à sa mère. Donc elle a vu que ça lui plaisait. Ensuite elle ne s’est plus posée de questions.

Sa mère est très différente d’elle, c’est une lesbienne un peu butch. Pas du tout, entre beaucoup de guillemets, « féminines ». Pourtant, elle a cohabité avec notre fille qui passe son temps à se maquiller. Elle a 25 paires de chaussures à talons, elle adore tout cela, non par opposition à sa mère mais ça lui plait. C’est amusant de voir cohabiter une mère extrêmement peu féminine d’après la définition qu’on peut en donner et notre fille hyper féminine. Elles s’entendent très bien.

Notre seule inquiétude serait qu’elle souffre d’avoir des parents gays. Mais elle a su vivre dans un milieu et se faire des camarades intelligemment. Il faut une forme d’intelligence intuitive, elle a réussi à ne pas souffrir du tout d’avoir des parents un peu spéciaux.

Quels conseils donneriez-vous à un couple gay qui veut avoir des enfants via l’homoparentalité ?

Deux hommes, deux femmes en duo ou en quatuor. Je leur conseillerais de se réunir pour avoir un enfant, de réfléchir. On est obligé de réfléchir beaucoup plus que les couples hétéros car les relations sexuelles entre hommes ou femmes sont stériles.

Donc comme il y a un désir d’enfant, on doit penser à la venue de cet enfant. Comment allons nous faire ? Comment allons nous organiser son enfance, qu’allons nous lui dire ? La chance que l’on a c’est que cette stérilité du couple mais pas des individus nous poussent à réfléchir beaucoup plus que la moyenne.

Je trouve que tous les hétéros ne réfléchissent pas autant que nous à ce que c’est que d’élever un enfant, comment organiser cette enfance au mieux. C’est un avantage que nous avons avec l’homoparentalité.

Mon conseil c’est de réfléchir bien entouré. Rejoindre des associations ou il y a des parents qui ont déjà des enfants avec lesquels on peut discuter et partager des expériences. Puis rester le plus possible ouvert à la société. Ne pas se retrancher sur son couple et son obsession d’avoir un enfant, ce qui peut poser un problème si on y arrive pas ou si c’est long à venir. Dans ce cas cela peut créer des traumatismes pour les parents. Ne vous découragez pas, il y a beaucoup plus de possibilités qu’autrefois. Il y a la GPA, la PMA, l’adoption et l’homoparentalité ou coparentalité.

Quel problème légal crée la coparentalité ?

Le seul problème légal c’est que la France n’est pas capable de reconnaître 4 parents à la naissance. Il y a le père et la mère biologiques. Ensuite il faut voir en fonction du désir d’investissement des deux autres personnes, quel cadre légal peut leur être donné pour qu’il ait un lien légal avec ces enfants. Ils les aiment, ils ne les ont pas conçus mais ils les aiment comme si c’était le cas.

On peut faire une délégation d’autorité parentale, si le père est marié avec son compagnon. Il existe aussi une possibilité de faire une demande d’adoption simple à partir d’un certain âge pour passer de beau parent à parent.

Et si votre homoparentalité était à refaire changeriez-vous quelque chose ?

Rien du tout, je ne changerais rien. Peut-être aurions nous pu avoir deux enfants. Toutefois pour moi la grande différence c’est entre 0 et 1, non entre 1 et 2. Ne pas avoir eu d’enfant, je pense que je serais passé sans le savoir à côté de ce qui était au cœur de ma vie.

Je comprends parfaitement que d’autres hommes n’aient aucun désir d’avoir des enfants, ce n’est pas une obligation. Homosexualité féminine ou masculine a longtemps signifié interdiction totale d’avoir des enfants. La grande révolution du 21ème siècle c’est que tout est possible

Merci d’avoir répondu à ces questions ! Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter ?

Avec conviction, patience, ténacité, ouverture, courage, discussions, rencontres avec d’autres personnes qui sont passées par le même chemin, je pense qu’il y a un grand espoir au 21ème siècle que tous les homosexuels et lesbiennes qui ont un vrai désir d’enfant y arrivent. Que ce dont ils ont rêvé ou qu’ils se sont interdit de rêver arrivent dans la mesure du possible de la biologie et du physique des uns et des autres. Il n’y a pas de raisons de se dire que son désir est à priori irréalisable.

Pour approfondir cet article et en apprendre plus sur l’homoparentalité, je ne peux que vous renvoyer vers l’excellent ouvrage d’Eric Garnier L’homoparentalite en France : la bataille des nouvelles familles . Il a été publié par les Édition Thierry Marchaisse

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